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Effrayante regression civilisationnelle en France : le projet de loi « fin de vie »

30-05-2024 21:58

Civitas International

Effrayante regression civilisationnelle en France : le projet de loi « fin de vie »

Le 27 mai 2024, l’Assemblée nationale française a entrepris l’examen d’un texte dont le titre est rédigé de façon à en atténuer la terrible réalité.

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Le 27 mai 2024, l’Assemblée nationale française a entrepris l’examen d’un texte dont le titre est rédigé de façon à en atténuer la terrible réalité : il s’agit du projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie ».

 

Est-ce un signe ? La rédaction en est boiteuse. En effet, le bon usage aurait consisté à écrire « relatif à l’accompagnement des malades et « à » la fin de vie », et non et « de » la fin de vie. A moins que le rédacteur n’ait souhaité bien distinguer entre l’accompagnement des malades, c’est-à-dire les soins, et la fin de vie qui, le texte le montre, n’est pas autre chose que le suicide assisté ou l’euthanasie.

 

Les prémices de ce projet reposent sur un engagement pris par Emmanuel Macron en 2022. De manière fort peu démocratique, l’idée a d’abord été discutée par une assemblée de 184 « citoyens » tirés au sort « sur la base de critères représentatifs de la société française », appelée « Convention citoyenne sur la fin de vie ». On peut s’interroger sur la pertinence des critères représentatifs évoqués. On peut aussi se poser la question de la valeur d’un tirage au sort. Mais on n’est pas surpris d’apprendre qu’au terme de trois mois de discussions, les gagnants du tirage au sort se soient « très majoritairement prononcés en faveur du développement des soins palliatifs et de l’ouverture d’une aide active à mourir. »

 

A ce stade, il importe de préciser qu’une loi du 2 février 2016, dite « loi Claeys-Leonetti », avait déjà fixé un cadre pour l’accompagnement des personnes en fin de vie, et que sur cette question, les mesures nouvelles sont surtout de nature administrative ou procédurales. On observe clairement que le but recherché par ce projet de loi n’est pas là, et que dans le texte, l’accompagnement des malades semble surtout être un paravent dissimulant la sombre réalité du projet.

 

Au stade suivant, une « Commission spéciale » a été chargée d’examiner le projet de loi. Cette commission a travaillé pendant moins de 85 heures : 35 heures pour entendre des professionnels de santé, des représentants d’institutions ou d’organisations, des représentants de sociétés savantes, diverses associations, des fédérations d’établissements ou d’hospitalisation à domicile, des professeurs de droit, des philosophes, des représentants des cultes et des représentants des obédiences maçonniques. Ensuite, la commission a examiné les amendements en discussion pendant « près de cinquante heures ». Si l’on considère qu’une journée de travail de la commission était de huit heures, cela signifie qu’il aura fallu moins de onze jours à cette commission pour examiner 1600 amendements et trancher la question du suicide assisté et de l’euthanasie.

 

Avec une lucidité presque naïve, le rédacteur de l’avant-propos au projet de loi a conscience de la gravité de ce qui est projeté et s’efforce d’en atténuer le sens au moyen du vocabulaire. Il écarte le mot « euthanasie » parce qu’il est « tragiquement souillé par l’histoire », ainsi que l’expression « suicide assisté » parce qu’elle crée de la confusion. Il retient finalement l’expression « aide à mourir », jugée plus douce. Euthanasier, c’est faire l’usage de procédé permettant de provoquer la mort. Assister quelqu’un qui veut se suicider ressemble trop à la mort rituelle en usage chez les samouraïs. Tandis que dans l’expression « aide à mourir », on met en avant la notion d’aide, de geste altruiste, presque charitable ! Il s’agit « d’aider » quelqu’un à mettre fin à ses jours. 

 

Le problème éthique se pose dès l’abord. Dans notre société, la réaction traditionnellement attendue face à un suicide ou à une tentative de suicide était de secourir la personne. On s’efforçait de ranimer l’intoxiqué qui avait perdu connaissance ; on pansait les plaies de qui s’était ouvert les veines ; on plongeait pour ramener à terre le malheureux qui s’était précipité dans l’eau. Jusqu’à présent, négliger de porter secours à une personne en péril relevait de la non-assistance à personne en danger. Qu’en sera-t-il si ce projet de loi est adopté ? Faudra-t-il désormais s’abstenir d’intervenir sous prétexte de respecter le « droit » à mourir de la victime ? Assistera-t-on un candidat au suicide par injection ou absorption d’une substance létale, mais pas dans une tentative de s’ouvrir les veines ? Tout cela n’a aucun sens si ce n’est d’institutionnaliser un suicide en quelque sorte « aseptisé », conforme à la procédure prévue, on dirait presque un suicide « propre ». Alors que c’est la valeur de la vie humaine est qui en cause.

 

Les conditions de « l’aide » à mourir défient le simple bon sens. Le projet de loi pose qu’il faudra être âgé d’au moins 18 ans, comme si la souffrance était moindre pendant le temps de la minorité. Mais si la personne est atteinte d’une maladie psychiatrique altérant « gravement » son discernement, il ne sera pas possible de lui administrer le poison. Et comment distinguera-t-on si le candidat possède tout son discernement, sachant combien l’esprit humain peut être fragile et la volonté changeante devant l’idée de la finitude ? Les conditions suivantes sont particulièrement floues : la personne devra être atteinte « d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital, en phase avancée ou terminale », et présenter « une souffrance physique accompagnée, éventuellement, d’une souffrance psychologique. »

 

L’affection grave a été définie comme une maladie qui engage le pronostic vital. Chacun sait que le pronostic est un jugement que le médecin porte et que les faits confirment… ou pas ! La notion de souffrance physique ne devrait pas peser puisque la loi de 2016 a prévu la sédation profonde et continue. C’est peut-être pourquoi cette notion a été assortie d’une « éventuelle » souffrance psychologique. Or, la souffrance psychologique, comme la souffrance physique, appelle des soins et ne saurait être prétexte à une décision fatale. Il y a là un dévoiement complet de l’acte médical.

 

Et c’est ce dévoiement que la procédure prévue entend entériner. Il s’agit d’un dévoiement car depuis la plus haute Antiquité, notre civilisation a toujours considéré la vie humaine comme étant sacrée, et a fixé au médecin la mission de soigner pour guérir ou pour soulager, et non de tuer ses patients, même à leur demande. C’est le texte du serment d’Hippocrate : « Je ne remettrai à personne une drogue mortelle si on me le demande, ni ne prendrai l’initiative d’une telle suggestion. De même, je ne remettrai pas non plus à une femme un pessaire abortif… » C’est donc une véritable inversion civilisationnelle que porte le projet de loi, le médecin pouvant désormais agir tantôt pour soigner, et tantôt pour tuer.

 

Est-ce la raison pour laquelle la procédure retenue prévoit une forme de collégialité ? Le « médecin » qui acceptera d’examiner la demande de son patient devra lui donner une pleine information sur les dispositifs existants. Il devra lui proposer de l’orienter vers un psychologue clinicien ou un psychiatre. Passé cette première étape, le « médecin » devra consulter un autre médecin, qui ne connait pas le malade et qui est spécialiste de la pathologie de ce dernier. Il devra également recueillir l’avis d’un auxiliaire médical qui intervient auprès du malade… ou pas ! S’il le souhaite, le « médecin » pourra recueillir d’autres avis dans le cadre d’une procédure collégiale et pluriprofessionnelle. Pourquoi cette collégialité ? D’aucuns diront qu’elle permet de former un jugement aussi impartial que possible. Mais la collégialité présente également le travers de diluer la responsabilité, et donc de laisser à chacun des participants une conscience tranquille. On entend déjà les arguments : « Ce n'est pas moi qui ai décidé, nous étions tous d’accord ! »

 

L’article 11 du projet de loi présente les détails de l’acte de mort. Le candidat au suicide peut s’administrer lui-même la substance létale, « sous la surveillance du « médecin » ». Le candidat au suicide peut aussi faire appel à une personne qu’il a désignée. A ce stade, on constate qu’il ne s’agit plus d’un suicide puisqu’un être humain administre à un autre être humain un poison qui le tuera. Dernière hypothèse : l’administration de la substance létale est réalisée par le professionnel de santé présent. C’est le « médecin » qui tue.

 

Dans ces dernières dispositions, le projet de loi interdit tout recours d’un tiers contre une décision qui serait prise d’euthanasier une personne. Si une clause de conscience spécifique est prévue pour les professionnels de santé, les pharmaciens, chargés de préparer le poison, en sont exclus. Enfin, le texte prévoit un délit d’entrave à « l’aide » à mourir sur le modèle de celui concernant l’avortement. 

 

Le projet de loi porté par le Gouvernement français s’inscrit à rebours de toutes les valeurs qui ont fait notre civilisation. Il y a eu le serment d’Hippocrate. Comment passer sous silence les racines chrétiennes de l’Europe ? Judas se suicide après avoir vendu Jésus. Pour Saint-Thomas d’Aquin, le suicide constitue un péché mortel contre soi, contre les autres, et contre Dieu. Le catéchisme de l’Eglise catholique indique que « chacun est responsable de sa vie devant Dieu qui la lui a donnée. C’est lui qui en reste le souverain Maître. Nous sommes tenus de la recevoir avec reconnaissance et de la préserver pour son honneur et le salut de nos âmes. Nous sommes les intendants et non les propriétaires de la vie que Dieu nous a confiée. Nous n'en disposons pas. » Pour les catholiques, l’ensemble du projet de loi tombe sous le coup du 6e commandement : « Tu ne commettras pas de meurtre ». Tel est le sens de la déclaration des évêques de France relative à ce projet de loi : « Nous exprimons notre grande inquiétude et nos profondes réserves à l’égard du projet de loi fin de vie ».

 

Officiellement, le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie » se propose d’apporter à certaines personnes malades le meilleur apaisement possible et ambitionne de consacrer le principe du respect de la dignité des malades. Dans la mesure où la loi de 2016 a apporté des réponses suffisantes dans le domaine des soins palliatifs, on peut s’interroger sur les raisons qui motivent la volonté d’aller bien au-delà des soins pour consacrer le principe de l’administration de la mort. Administration de la mort au sens propre, puisqu’il est prévu de permettre le suicide assisté et l’euthanasie de personnes malades. Mais aussi administration de la mort au sens figuré, dans la mesure où la fin de l’existence humaine peut désormais faire l’objet d’un acte « administratif médicalisé » à défaut de rester un acte médical destiné à sauvegarder la vie. Dans des œuvres de fiction, différents écrivains ont imaginé des sociétés où les êtres humains étaient tués dans certaines conditions d’âge, d’utilité sociale ou de valeur génétique. L’administration de la vie humaine, de la naissance à la mort, est le propre des sociétés totalitaires. Sommes-nous parvenus au seuil d’un Etat totalitaire ou en prenons-nous le chemin avec ce projet de loi ? En 1981, dans un ouvrage intitulé « L’avenir de la vie », l’essayiste Jacques Attali a notamment déclaré : « dès qu’on dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société. D’où je crois que dans la logique même de la société industrielle, l’objectif ne va plus être d’allonger l’espérance de vie, mais de faire en sorte qu’à l’intérieur même d’une durée de vie déterminée, l’homme vive le mieux possible mais de telle sorte que les dépenses de santé seront les plus réduites possible en termes de coûts pour la collectivité. » 

 

Les parlementaires français voteront-ils ce projet de loi effrayant ? Il est permis de le craindre. Ce premier texte légalisant l’euthanasie restera-t-il inchangé ? On doit craindre que non si l’on se réfère aux diverses évolutions de la loi Veil de 1975 qui ont toujours davantage facilité les conditions d’accès à l’avortement. L’exemple hollandais doit nous avertir. Dans un article paru le 14 avril 2023, le quotidien Le Figaro publiait que l’euthanasie aux Pays-Bas allait être ouverte aux moins de 12 ans, tandis que Theo Boer, professeur d’éthique de la santé et ancien contrôleur des cas d’euthanasie aux Pays-Bas donnait l’alerte : on constate toujours plus d’euthanasies et de suicides, et les élargissements juridiques sont inéluctables. 

 

André Murawski

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