« Kathi » - ou la Suisse face aux dogmatismes mondialistes (1)Â
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Par un arrêt du 17 janvier 2025, le Tribunal fédéral a levé une décision du Tribunal administratif de St-Gall et jugé le fonctionnement de l’école secondaire pour filles St-Katharina (« Kathi ») à Wil (SG) non-conforme à la Constitution. Les motifs : violations du devoir de neutralité confessionnelle des écoles publiques et du principe d’égalité de traitement. Â
Le jugement du Tribunal fédéral s’est déroulé en séance publique et portait sur un recours engagé par Sebastian Koller (membre du parlement communal de Wil, Les Verts) et les Jeunes Verts (Wil), qui ne supportaient pas le fait qu’une école secondaire catholique, privée mais au bénéfice de subventions publiques, puisse, malgré la satisfaction des parents et des élèves, être réservée aux filles et proposer des activités à caractère religieux (libres).
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Aussi les débats entre les juges fédéraux, divisés entre eux, furent-ils vifs et parfois même, d’après les journalistes présents, énervés. Car si les positions de fond des juges différaient, il convient de remarquer que le Tribunal fédéral se trouvait pour ainsi dire dos au mur quant à son rendu : admettait-il le recours et le voici qui irait contre le principe de subsidiarité ; le refusait-il et le voilà qui risquait d’être par la suite remis à l’ordre par la Cour européenne des droits de l’homme.
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Malgré le froid glacial à l’extérieur et bien que la ville fût consolée par un soleil radieux, l’atmosphère générale était donc lourde à Lausanne et la pression à son comble : au moment fatidique, les votes des juges étant à égalité, deux voix faisant face à deux autres voix, c’est finalement celui de la Présidente de la Cour (Florence Aubry Girardin, Les Verts) qui fit pencher la balance en faveur de l’idéologie mondialiste de type socialo-marxiste.
Un arrêt qui révèle l’état des rapports de forces en jeu
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Car soyons clairs, c’est bien de cela dont il est question ici : d’un jugement où l’idéologie aujourd’hui dominante a eu le dessus sur une autre idéologie, celle jadis dominante ; toutes deux issues de 1789 et donc fondamentalement en rupture et opposées à la vision gréco-latine et catholique de l’homme et de la société.
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L’une est au fondement de la Suisse moderne : c’est celle du libéralisme bourgeois, l’idéologie qui considère que l’individu est à lui-même sa propre fin et que le but de la société est de lui conserver cette autonomie. L’autre idéologie, qui s’est développée en réaction à la première et tout en gardant l’idée de l’autonomie de l’individu, considère cependant que la seule voie possible pour que tous puissent y parvenir est de supprimer l’organisation bourgeoise de la société, pour reconstruire une société « regénérée », dans laquelle tous les citoyens seront égaux non seulement de jure, mais de facto.
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Que cette lutte bicentenaire et planétaire entre la « gauche » et la « droite » tourne, sauf retour à un État catholique, irrémédiablement à l’avantage de la « gauche » est un fait dont l’histoire, mais également l’expérience quotidienne la plus concrète suffisent pour nous convaincre.
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Et l’arrêt en question ne fait pas exception à la règle. Effectivement, que pouvons-nous constater, si ce n’est deux juges conservateurs d’un côté, c’est-à -dire « à droite », versus, de l’autre, trois autres juges progressistes, c’est-à -dire « de gauche » ?
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Mais l’objet de cet article (en deux parties) n’est pas de rappeler des lieux communs : il s’agit d’exposer et de commenter des faits concrets et, nous l’espérons, d’apporter ainsi des pistes de réflexions pratiques aux lecteurs qui refusent d’assister les bras croisés à la corruption de nos institutions.
« Kathi » : une école honorable et respectée
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Fondée vers 1200 par les barons de Toggenburg, la ville de Wil demeura jusqu’en 1798 sous l’autorité de l’abbaye de St-Gall, qui la fit exercer par le bailli impérial. Si par l’influence zurichoise, les bourgeois de la ville furent séduits par l’hérésie protestante durant deux années (1529-1530), ceux-ci revinrent rapidement à la foi de leurs ancêtres après la seconde guerre de Kappel, avec le soutien des Cantons catholiques.
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Le couvent Sainte-Catherine, dont la construction s’est achevée en 1607 et qui se situe au sud de la vieille ville, accueillit les Sœurs dominicaines dès 1615. C’est là , en 1808, dans le contexte de l’instauration de l’ordre révolutionnaire, pour pallier les conséquences de la dissolution des mœurs, mais également dans l’espoir d’assurer leur relève (toute nouvelle candidature au noviciat avait été interdite par les autorités jacobines du nouveau Canton dans l’espoir d’en finir ainsi avec les ordres religieux), que la Mère-Prieure Augustina Stiefenhofer proposa d’assurer l’éducation et l’enseignement des petites filles de la ville, ce que le parlement accepta non sans soulagement.
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C’est donc en 1809, après que deux Sœurs du couvent eurent été formées, en collaboration avec les autorités de la ville et le temps d’une année, aux principes de base de la pédagogie scolaire, que « Kathi » accueillit ses premières élèves.
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L’école ne tarda pas à se bâtir une réputation d’excellence, gagna la sympathie du parlement de la ville et se développa continuellement, tout au long du 19ème et du 20ème siècle (1845 : ouverture de l’école secondaire pour jeunes filles ; 1887 : 1ère extension ; 1909 : inauguration de l’internat [fermé en 1988] ; 1937 : 2nde extension).
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Ainsi, de 1809 à 1964, soit pendant 155 ans, les Sœurs dominicaines assurèrent l’enseignement de l’intégralité des classes de la 1ère à la 8ème année primaire pour les petites filles de Wil et cela en échange d’une compensation financière extrêmement avantageuse pour la ville. Ce ne sera qu’en 1965, du fait de l’incapacité structurelle à faire face à la forte croissance démographique issue du « baby-boom », que sur demande de « Kathi », ces classes furent prises en charge par la commune. Aussi, dès cette année le couvent se concentra exclusivement sur l’enseignement secondaire pour jeunes filles. Les Sœurs restèrent aux commandes jusqu’en 1993, année lors de laquelle la direction de l’école fut transmise à des laïcs.
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Si la collaboration entre le couvent et les autorités temporelles de la ville était déjà bien antérieure à la Constitution de 1848, les liens qui unissent « Kathi » aux habitants de Wil – et dans une plus large mesure, à la Suisse orientale – sont tout aussi anciens et encore plus profonds : il n’est certainement nulle famille de la région qui ne compte une mère, une grand-mère ou encore une arrière-grand-tante qui n’ait reçue, non seulement l’excellente formation, mais surtout, l’excellente éducation dispensée par cette école aujourd’hui bicentenaire.
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L’actuelle présidente de la Confédération et cheffe du Département des fédéral des finances, Madame Karin Keller-Sutter, originaire du Toggenburg et fille de restaurateurs de Wil, est d’ailleurs une ancienne élève et ne semble pas être particulièrement traumatisée par les activités religieuses auxquelles elle avait pu prendre part alors qu’elle était encore adolescente.
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Un incroyable mépris à l’encontre de la population locale.
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Lors des débats à Lausanne (qui durèrent près de trois heures) et d’après le quotidien Neue Zürcher Zeitung (NZZ, 17.01.2025), les juges conservateurs (Julia Hänni [Le Centre] et Matthias Kradolfer [PLR]) ont - à juste titre et comme nous le soulignions dans notre communiqué de presse sur l’arrêt– rappelé que le Tribunal fédéral devait limiter l’examen à la question de droit et s’abstenir de prendre position sur le fond, ceci en conformité avec le fédéralisme suisse (c’est-à -dire avec le principe d’autonomie cantonal et communal), l’enseignement étant une prérogative des Cantons.
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Aussi, les juges « à droite » ont-ils rappelé que les autorités judiciaires locales (Tribunal administratif du Canton de St-Gall) s’étaient déjà longuement occupées de la question et que leur décision ne violait pas le droit fédéral. Certainement (puisque ces informations sont facilement accessibles sur internet), les juges Hänni et Kradolfer ont-ils également appuyé leur raisonnement sur le fait que non seulement l’exécutif de la ville et la direction de l’école s’étaient-ils entendus sur un accord qui aurait permis, dès 2029, l’ouverture de nouvelles classes à « Kathi » exclusivement réservées aux garçons, mais encore que la demande locale pour cette école «trop religieuse » excédait actuellement largement l’offre, à tel point que pour l’année scolaire 2024/2025, les places pour les jeunes filles de 6ème durent être tirées au sort.
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Autant de raisons donc, pour confirmer la décision de première instance et proposer que les habitants de Wil règlent cette question par eux-mêmes, si possible par voie référendaire, au niveau communal.
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Or si c’est ainsi que traditionnellement les choses se règlent dans notre pays et bien que les juges « de gauche » le conçoivent en théorie, l’arrêt « Kathi » démontre qu’en pratique, ceux-ci n’appliquent déjà plus les principes du droit suisse tel qu’ils furent codifiés sur la base de l’idéologie du parti radical durant la seconde moitié du 19ème siècle : le droit qu’ils appliquent est ce droit nouveau, déjà (partiellement) réalisé dans la Convention européenne des droits de l’homme. C’est le droit du mondialisme, dont les dogmes, en constante évolution, reposent sur les principes de l’idéologie socialo-marxiste.
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L’arrêt du Tribunal fédéral est un arrêt de mort pour « Kathi ». Ainsi, malgré ses bienfaits indéniables, son attrait et l’attachement que lui portent la majorité des habitants de Wil et des environs, l’école pour fille St-Katharina devra fermer ses portes à la fin de cette année scolaire, victime d’un totalitarisme sans visage, mais bien réel et plus actif dans notre pays que jamais auparavant.
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La seconde partie – et la suite et conclusion - de cet article, paraîtra le 9 février 2025.
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